C'est à vous que je parle
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C'est à vous que je parle
C'est
à vous que je parle, homme des antipodes,
je
parle d'homme à homme
avec
le peu en moi qui demeure de l'homme,
avec
le peu de voix qui me reste au gosier ;
mon
sang est sur les routes, puisse-t-il, puisse-t-il
ne
pas crier vengeance...
Un
jour viendra, c'est sûr, de la soif apaisée,
nous
serons au-delà du souvenir, la mort
aura
parachevé les travaux de la haine,
je
serai un bouquet d'orties sous vos pieds ;
alors,
eh bien, sachez que j'avais un visage
comme
vous, une bouche qui priait comme vous.
Quand
une poussière entrait, ou bien un songe,
dans
l'oeil, cet oeil pleurait un peu de sel.
Et
quand
une
épine mauvaise égratignait ma peau
il
y coulait un sang aussi rouge que le vôtre.
Certes,
tout comme vous j'étais cruel, j'avais
soif
de tendresse de puissance,
d'or,
de plaisir et de douleur.
Tout
comme vous j'étais méchant et angoissé,
solide
dans la paix, ivre dans la victoire
et
titubant, hagard, à l'heure de l'échec ...
Et
pourtant, non.
Je
n'étais pas un homme comme vous.
Vous
n'êtes pas nés sur les routes,
personne
n'a jeté à l'égout vos petits
comme
des chats encore sans yeux,
vous
n'avez pas erré de cité en cité,
traqué
par les polices,
vous
n'avez pas connu les désastres, à l'aube
les
wagons à bestiaux,
et
le sanglot amer de l'humiliation,
accusé
d'un délit que vous n'avez pas fait,
du
crime d'exister,
changeant
de nom et de visage
pour
ne pas emporter un nom qu'on a hué,
un
visage qui avait servi à tout le monde
de
crachoir !
Un
jour viendra sans doute, où ce poème lu
se
trouvera devant vos yeux.
Il
ne demande rien ! Oubliez-le, oubliez-le !
Ce
n'est qu'un cri, qu'on ne peut pas mettre dans un poème
parfait
: avais-je le temps de le finir ?
Mais
quand vous foulerez ce bouquet d'orties
qui
avait été moi, dans un autre siècle,
en
une histoire qui vous semblera périmée,
souvenez-vous
seulement que j'étais innocent
et
que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j'avais
eu, moi aussi, un visage marqué
par
la colère, par la pitié et la joie,
un
visage d'homme, tout simplement.
Benjamin
Fondane
à vous que je parle, homme des antipodes,
je
parle d'homme à homme
avec
le peu en moi qui demeure de l'homme,
avec
le peu de voix qui me reste au gosier ;
mon
sang est sur les routes, puisse-t-il, puisse-t-il
ne
pas crier vengeance...
Un
jour viendra, c'est sûr, de la soif apaisée,
nous
serons au-delà du souvenir, la mort
aura
parachevé les travaux de la haine,
je
serai un bouquet d'orties sous vos pieds ;
alors,
eh bien, sachez que j'avais un visage
comme
vous, une bouche qui priait comme vous.
Quand
une poussière entrait, ou bien un songe,
dans
l'oeil, cet oeil pleurait un peu de sel.
Et
quand
une
épine mauvaise égratignait ma peau
il
y coulait un sang aussi rouge que le vôtre.
Certes,
tout comme vous j'étais cruel, j'avais
soif
de tendresse de puissance,
d'or,
de plaisir et de douleur.
Tout
comme vous j'étais méchant et angoissé,
solide
dans la paix, ivre dans la victoire
et
titubant, hagard, à l'heure de l'échec ...
Et
pourtant, non.
Je
n'étais pas un homme comme vous.
Vous
n'êtes pas nés sur les routes,
personne
n'a jeté à l'égout vos petits
comme
des chats encore sans yeux,
vous
n'avez pas erré de cité en cité,
traqué
par les polices,
vous
n'avez pas connu les désastres, à l'aube
les
wagons à bestiaux,
et
le sanglot amer de l'humiliation,
accusé
d'un délit que vous n'avez pas fait,
du
crime d'exister,
changeant
de nom et de visage
pour
ne pas emporter un nom qu'on a hué,
un
visage qui avait servi à tout le monde
de
crachoir !
Un
jour viendra sans doute, où ce poème lu
se
trouvera devant vos yeux.
Il
ne demande rien ! Oubliez-le, oubliez-le !
Ce
n'est qu'un cri, qu'on ne peut pas mettre dans un poème
parfait
: avais-je le temps de le finir ?
Mais
quand vous foulerez ce bouquet d'orties
qui
avait été moi, dans un autre siècle,
en
une histoire qui vous semblera périmée,
souvenez-vous
seulement que j'étais innocent
et
que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j'avais
eu, moi aussi, un visage marqué
par
la colère, par la pitié et la joie,
un
visage d'homme, tout simplement.
Benjamin
Fondane
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